Isabel et Eduardo, parrainés par Viviane, sont désormais citoyens français
Racontez-nous les origines de ce parrainage atypique...
Eduardo et Isabel sont arrivés en juin 2010 en France. Eduardo était un jeune père de 19 ans et Isabel avait 3 ans à l'époque. La maman d'Isabel était décédée. Ils avaient réussi à fuir leur pays pour des raisons politiques : ils étaient en danger là-bas. Eduardo et Isabel se sont donc retrouvés en France, sans connaître le pays ni la langue, sans famille, sans liens. Le CADA (ndlr : Centre d'Accueil de Demandeurs d'Asiles) les a mis en lien avec France Parrainages en Ille-et-Vilaine. La responsable de l'antenne, Nelly, nous a demandé si nous acceptions de devenir les parrains d'Isabel, sachant qu'il y avait un risque que la demande d'asile d'Eduardo soit rejetée et qu'ils doivent repartir en Afrique...
Nous avons rencontré Eduardo et Isabel en février 2011 : Eduardo parlait très peu le français à cette époque, à la différence de sa fille ! Aujourd'hui, c'est un double parrainage et une très belle aventure...
Quel a été votre rôle de marraine et parrain depuis cette rencontre ?
C'est un parcours de parrainage fait à deux ! Nous avons accompagné Eduardo et Isabel, de différentes manières. Nous avons aidé Eduardo à construire son dossier de naturalisation. Il a fait par la suite une demande de formation pour trouver rapidement un métier : pendant qu'il était à cette formation pour devenir canalisateur (ndlr : pour apprendre à poser des canalisations), nous avons gardé Isabel à la maison. 10 mois après, il a eu sans problème ses diplômes; il a tout passé, tout eu ! Quand à sa demande d'asile, elle a été acceptée il y a deux ans maintenant.
Et le parrainage d'Isabel pendant ce temps-là ?
Isabel était une petite fille très anxieuse au début. Un jour, elle m'a dit simplement : "Si on retourne dans notre pays, mon papa sera tué." Ce sont des paroles très dures et surprenantes dans la bouche d'une petite fille... Nous avons été très présents pour elle lorsque son père était en formation professionnelle dans une autre ville. Aujourd'hui, Isabel est une petite fille de 8 ans, très vive et qui a presque 2 ans d'avance à l'école : elle est en CM1, en tête de classe !
Est-ce la première fois que vous êtes marraine et parrain de proximité ?
Non et d'ailleurs nous avons été les premiers parrains de l'antenne Ille-et-Vilaine ! Juste avant l'arrivée d'Eduardo et Isabel, nous avons parrainé Sami pendant un an, puis il est parti vivre chez son père à Dijon. On a gardé des liens, on se voit régulièrement. Nos filleuls se connaissent d'ailleurs : Sami avait 15 ans quand il a rencontré Isabel qui avait 3 ans à l'époque. Ils se sont appelés "frère et sœur de parrainage"... C'est une famille agrandie !
Derrière cet engagement, quelles sont vos motivations ?
Les rires, les fous rires d'Isabel ou d'Eduardo, c'est ça la récompense ! Quand on voit le chemin parcouru aussi, quand on sait comme ils étaient au tout début du parrainage... On les voit déployer leurs ailes, un peu comme pour nos enfants. Je suis personnellement très investie dans l'antenne de parrainage à Rennes et je peux dire une chose : être marraine ou parrain, ce n'est pas toujours facile, on est pas toujours disponibles mais voir les évolutions concrètes, c'est la plus grande des motivations.
En quelques mots, comment définiriez-vous le parrainage de proximité ?
C'est rencontrer des gens qu'on aurait jamais pu rencontrer autrement. On est trop souvent dans les mêmes cercles amicaux, professionnels, etc. Eduardo et sa fille n'habitaient pas le même pays, n'avaient pas nos âges ni la même culture... Et pourtant, nos liens sont très forts.
Quelles sont les prochaines étapes dans votre relation de parrainage ?
Eduardo a un rêve : il aimerait nous faire découvrir un jour son pays d'origine. Pour l'instant, c'est juste un rêve car ce n'est pas envisageable. Mais nous aimons beaucoup cette idée. Il y a quelques semaines, Eduardo m'a demandé ce qu'il fallait faire pour être parrain... J'étais heureuse de cette question, il a envie de donner à son tour dans l'autre sens. Depuis l'acceptation de sa demande d'asile et la nouvelle de sa naturalisation, il commence à mieux se projeter dans l'avenir. Isabel, elle, a demandé à être baptisée et que nous soyons ses parrains ! Comme cela signifiait beaucoup pour elle, nous avons accepté. Nous sommes donc doublement parrains...
Un mot de conclusion ?
Eduardo m'a dit un jour : "j'ai beaucoup de chance de vous avoir rencontré." Et je lui ai répondu : "détrompe-toi, c'est toi qui t’es donné les moyens, c'est toi qui a fait les démarches administratives pour ta formation et ta naturalisation... Nous, on a fait que t'accompagner."
Le parrainage de proximité, ce sont des rencontres et des histoires, humaines, variées, uniques. Avec pour valeur principale la solidarité, qui se transmet à son tour... Et vous ?