L’État remet en cause le statut qui protégeait les mineurs migrants - L'Humanité
"Monsieur le premier ministre, France Parrainages, association d’aide à l’enfance qui agit notamment pour l’intégration des mineurs isolés sur le territoire, souhaite prendre la parole pour dénoncer un décret, signé le 30 janvier dernier par votre gouvernement. En modifiant les modalités d’évaluation des mineurs non accompagnés et en créant un fichier national pour les recenser, vous remettez en cause leur statut d’enfants. Sous couvert de répondre à un besoin réel des départements qui se retrouvent dépourvus, tant en termes de ressources humaines que de financements, par l’afflux de mineurs isolés étrangers sur le territoire, le gouvernement apporte une réponse inadaptée et qui menace les droits de l’enfant.
En effet, l’évaluation de la minorité, auparavant confiée à l’aide sociale à l’enfance et donc à des travailleurs sociaux formés et habitués à s’adresser à des enfants, pourrait aujourd’hui être déléguée aux préfectures et donc à l’État. En confiant ces évaluations à des agents inexpérimentés en termes de protection de l’enfance, votre gouvernement accentue non seulement le risque pour ces enfants d’une mauvaise appréciation de leur minorité, mais également celui de se voir expulser sans possibilité de saisir un juge et d’être placés sous protection. Or les conditions dans lesquelles sont aujourd’hui menées ces évaluations de minorité ne permettent pas déjà aux départements de prendre des décisions fiables et respectueuses des droits de ces enfants, si bien qu’elles sont régulièrement remises en cause par les juges des enfants.
France Parrainages s’inquiète des dérives liées à l’utilisation de ce décret, qui pourrait éloigner ces jeunes des dispositifs de protection de l’enfance de peur d’être expulsés du territoire sans recours possible et mener à des situations dramatiques telles que l’errance ou encore la traite humaine.
L’application de ce décret restant à l’appréciation de chaque département, ceux qui refuseront de l’appliquer subiront une double peine : ils verront s’accroître les demandes de prise en charge au sein de leur territoire sans pouvoir espérer de financements supplémentaires de l’État.
Ce système entraînera les départements les plus engagés dans le respect des droits de l’enfant à accepter malgré tout le soutien des préfectures pour l’évaluation de la minorité, afin d’éviter de se retrouver totalement submergés face à un phénomène que vous aurez créé.
Parce que votre décret balaye d’un revers de main le statut de ces enfants en ajoutant à la longue liste des traumatismes qu’ils subissent, une insécurité et un fichage national, nous demandons le retrait immédiat de ce décret, qui éloigne chaque jour les mineurs isolés de leur enfance et de leurs droits."
Retrouvez la tribune directement sur le site de L'Humanité>